La carrière de Maria Rocchi s'est exprimée de façon la plus féconde dans la gravure, mais il serait injuste d'ignorer sa contribution comme illustratrice et scénographe, et son incursion brève mais forte dans le domaine de la littérature avec la publication de "Gente". Il s'agit d'un recueil de contes paru en 1958, et Julio Cortázar fait l'éloge avec enthousiasme de son aptitude à créer des ambiances envoûtantes à partir de l'écrit.

Par un langage ou un autre, Maria Rocchi a laissé le témoignage d'une vision poétique du monde et de la vie. Le réalisme qui apparaît dans ses œuvres est évident. Evidente aussi sa capacité à inscrire les faits réels dans le domaine de la dimension lyrique, et qui en fait un événement unique. Et pour cette raison, on la retrouve aux côtés de son mari, Eduardo Jonquières, comme interlocutrice dans le recueil - récemment publié - des correspondances que Julio Cortázar a entretenu pendant des décennies avec tous deux.
Son œuvre graphique a un style inimitable. La ligne définit des traits qui stylisent les formes pour obtenir des images d'une charge expressive intense, mais d'un naturel presque naïf dans sa simplicité.
Habituellement, son iconographie a recours à des personnages et des contextes qui appartiennent à sa vie intime et privée - sa famille, ses paysages intérieurs, ses amis chers ... - et qui donnent corps à une œuvre de grande cohérence formelle. De cette manière, l'artiste invente de nouvelles façons de regarder le monde, parant la réalité d'un sens plastique et poétique. Il apparait ainsi des contrastes de valeurs hautes et basses qui créent des espaces très suggestifs. Elle manie avec aisance une ligne qui par moments se déploie sinueuse dans un jeu libre de courbes et contre-courbes, et à d'autres se précise dans la définition de plans juxtaposés. Il s'agit de stratégies de représentation basées sur une conception raffinée et géométrique des formes qui ne néglige cependant pas les ornements qui peuvent donner à ses images l'envol lyrique d'une imagination sans préjugés.
Ces images naissent du simple fait d'exister, d'une maternité, de la lecture silencieuse de sa fille Maricló ou de la contemplation nocturne d'une rivière, parce que la vie quotidienne est pour elle une trouvaille permanente.
Dans ses travaux, nous percevons un esprit attentif à l'étonnement quotidien, où son oeuvre se nourrit de la vie même, mais d'une vie alimentée par le merveilleux. Par conséquent, il est n'est pas difficile de soupçonner les mystères sous-jacents aux figures concentrées ou indolentes qui peuplent ses gravures et que Cortázar, avec le «privilège du regard» qui l'accompagnait toujours, a apprécié avec perspicacité.