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PRESENTATION

  Mes premières œuvres géométriques datent de 1952. Elles sont nées au contact de l’information que nous possédions dans mon pays sur le Bauhaus et celui du groupe argentin d'art concret, groupe dont je ne faisais pas partie mais dont je suivais le travail avec attention. A l’époque j’animais, avec d’autres artistes d’avant-garde (Arden Quin, Boto, Vardanega), une association libre, «Arte Nuevo», qui exposait, entre autres, les premières œuvres de Tomasello.

  A mes débuts dans la peinture géométrique, j’ai été attiré par l'œuvre de Malevitch, dont l’expérience-limite et le maniement de formes simples me semblaient exemplaires. Dans le domaine de la couleur, j'ai voulu aller au-delà des mélanges traditionnels, en m’écartant également d’une application pure et simple du cercle chromatique. Jusqu’en 1980, j'ai étudié les possibilités de rapport entre une structure de base formée de bandes parallèles de couleur et d’autres bandes - celles-ci de couleur blanche, couleur à laquelle j’accordais une valeur d’absolu.

  Cet agglutinant blanc, qui était à la fois champ de confrontation et créateur d’ambiguïté spatiale, a cédé la place, à partir de 1981, à des bandes noires (le noir est couleur, disait Matisse) et à des champs gris avec de ténus rappels blancs. L’organisation stable mais rythmée de mes tableaux, où le problème du fond et de la figure disparaît au bénéfice de la cohérence du tout, tend à une sorte de synthèse fixe de l’image, où la couleur opère comme un facteur d’énergie continue et rejette toute illusion optique qui pourrait conduire, soit à des sensations de profondeur, soit à des effets de mouvement.

 EDUARDO JONQUIÈRES
In Catalogue de l'Espace Latino-Américain - 1986


Texte de Annette MALOCHET

 Un élément fondamental revient constamment dans le travail de Eduardo Jonquières, c'est la mise en évidence réitérée d'un jeu précis et très équilibré de rapports entre forme géométrique, couleur et ambiguïté spatiale.

  Les "formes"dont nous parlons - les plus simples du répertoire de la géométrie - sont les lignes droites et les courbes; ce sont des éléments que Jonquières exploite par intersections et superpositions, déterminant dans la mise en page du tableau un rapport dialectique que la couleur vient confirmer. Il semble que le peintre impose à l’œil du spectateur un parcours. Jamais achevé à l'intérieur même de son tableau, de fait. La structure, dynamique en elle-même, ne consent point au regard de se fixer; les lignes entraînent l'oeil, la couleur oblige l'oeil à en analyser la qualité pure, précise.

  L'art de Eduardo Jonquières est lié aux expériences sur la perception optique et se fonde sur la recherche théorique dans le champ visuel; mais, dirons-nous, pour pervertir les lois et la signification d'expérimentations historiquement situées.

  Divers niveaux de perceptions se trouvent subtilement proposés par l'artiste dans des séries d'études - que constituent ses tableaux mêmes - sur les possibilités de rapport entre une structure de base, généralement formée de modules, bandes parallèles de couleur ou de valeur différentes et l'intervention d'éléments qui en altèrent le rythme et la symétrie.

  C'est, par exemple, la superposition brusque sur la base, d'éléments qui coupent la composition, la "troublent" ou l'annulent. En ce sens, le champ pictural apparaît comme le lieu de fonctionnement de deux ou plusieurs systèmes autonomes qui, étant donné la coïncidence du temps de perception, se contaminent réciproquement. C'est là une manière de faire progresser une réflexion sur la légitimité des limites matérielles des "corps colorés".

  La problématique apparaît plus clairement dans les cas où la surface d'insertion ne se borne pas seulement au contour matériel du tableau mais où les éléments colorés continuent à se prolonger, à pulser l'extérieur du support, sans rupture, ou dans les cas où les limites de la peinture ne sont pas seulement le carré de toile blanche mais le blanc de la toile lui-même, en tant que couleur.

  C'est précisément pour cela qu'il est inutile de se demander si pour Jonquières les larges bandes de couleur qui "jouent" avec la couleur de la base sont elles-mêmes superposées à la base ou si le blanc est le fond du tableau. Une ambiguïté spatiale, donc, où la couleur blanche, traditionnellement assimilée au support comme surface d'inscription, devient dans ce cas couleur à proprement parler. Ceci est mis en évidence et confirmé par la présence répétée et différenciée des autres couleurs; qui plus est, le blanc prédomine souvent en tant qu'objet-lieu constant de rapport de tensions.

  Sont exemplaires, dans ce cas, les toiles où il est clair que le peintre met en place la composition à l'intérieur d'une sorte de"cadre" coloré et où ce cadre, d'un point de vue ou d'un autre, entre dans le fonctionnement même du tableau en accentuant la signification d'une violence/tension que le blanc exerce dans la composition de base.

  Il y a cependant un calcul très équilibré des propositions qualitatives et quantitatives, en sorte que les "images-couleur" restent comme suspendues à un fil mental" très ténu. Déplacement d'importance pour qui est attentif à ce qui interroge dans la peinture.

Annette Malochet - 1977
Maître de conférences, agrégée à l'UFR d'Arts Plastiques et sciences de l'art à La Sorbonne (Paris I)
In Catalogues, galerie Mestre Mateo, La Coruña (España)/ galeria Centro del Portello, Genova (Italia)

Texte de Michel CONIL LACOSTE

JONQUIÈRES, EN CHAMP ET CONTRE-CHAMP

  Amateurs d’empâtements subtils et d’effets de «passage», s’abstenir: la peinture exclut ici les amabilités de matière aussi impitoyablement qu’elle se prive de la plus-value du sujet. Mais que lui reste-t-il à dire quand elle se refuse à la fois a évoquer, et à flatter?

  Tout le propos de Jonquières, depuis trente ans et plus, est de démontrer qu’elle n’est pas alors à bout d’arguments : même sans l’étai du réalisme, même sans l'alibi-compromis de ce qu’on appelait dans les années cinquante le paysagisme abstrait, la tension de la forme et l’énergétique de la couleur, réduites à leurs seules ressources, se prêtent encore à une combinatoire inépuisable où s’exercent, plus dépouillés mais aussi forts qu’ailleurs, tous les pouvoirs de l’expression.

  Cohérent avec son appartenance au hard-edge, ce puriste est d’autant plus intraitable quant à la précision de la ligne qu’il est, en poésie - son autre versant - flexible avec les mots et tolérant aux images. Son austérité a pourtant des limites.

  Modulaire ou sérielle, la peinture programmée n’est pas son fait. Musicien, il serait atonal, mais plus proche sans doute de Schoenberg que de Webern, tout juste un peu aléatoire si l’on s'en rapporte à son emploi de la couleur, qu’il ne restreint pas au cercle chromatique ni aux règles des complémentaires mais ouvre de plus en plus, ces temps-ci, selon l’humeur, aux variantes d’un gris tirant avec une jubilation économe au bleu, au violet, surtout au vert.

  Reste tout ce qu’autorisent le bord-à-bord plus ou moins délectable des champs et contre-champs colorés, le charme ténu des lisières, la rupture ou l’accord des voisinages, les variations sans fin de la trame et de la hachure, les tensions insidieuses de la contamination chromatique et de l’ambiguïté spatiale ...

  De cette dernière toutefois cet affilié de Malevitch et de Mondrian n’abuse pas; peu enclin aux leurres du cinétisme, usant modérément des effets de "gestalt", tout au plus lui est-il arrivé de recourir à la lacune et à la réserve, qui crée une équivoque optique tout en aérant le dispositif. Cela remonte à une dizaine d’années, lorsque le blanc - supplanté depuis par le noir - dominait le centre et la périphérie de la toile : obsession dépassée du blanc dont on trouve encore le vestige dans le mince rai de lumière, si éclatant qu’il parait facilement sortir du tableau, sur lequel viennent buter certaines des barres et poutraisons constituant l’élément de base des compositions actuelles.

  Venons-en enfin au problème le plus névralgique, traditionnelle pomme de discorde d'un atelier d'art abstrait à l’autre, celui de la superposition. Déviation suprême dans l'économie non figurative de stricte obédience, la superposition tend à reprendre ses droits et à réintroduire la profondeur dès que deux lignes de quelque épaisseur se rapprochent ou se croisent. Jonquières évite l’écueil en arrêtant ses larges rubans noirs, qui entraînent notre œil avec tant de véhémence dans leur parcours, à distance parfois infime mais toujours respectueuse l'un de l’autre.
Aucune priorité déclarée ; plutôt un jeu de préséances, qui régit en fait tout le tableau, tels éléments s’effaçant in extremis devant d’autres survenus d’une autre direction, comme d’une certaine façon on laisse passer quelqu’un au coin d'une rue avec un mot aimable. Devant le travail de son ami, Cortázar parlait à ce propos de "juste rencontre" : "La forma y el color sin otro empleo que ese justo encuentro"

  Telles sont les disciplines que s’impose, les licences que s'autorise cet artiste si affirmé dans sa démarche. Toutes s’inscrivent dans la conviction que l’émoi peut être perçu et transmis en peinture par des voies non subjectives. En voici l'aboutissement déployé devant nous: ces ordonnances impérieusement charpentées, que diversifient ou contrarient l'alternance, le contraste, le décalage, parfois même une recherche délibérée de l’asymétrie, ces agencements péremptoires de lignes et de surfaces dont les interrelations font toute la cohésion et qui convainquent surtout quand le sentiment est là qu’iI suffirait d’en soustraire un élément pour que tout s’écroule, comme au jeu de jonchets.

  C’est l'attachant et regretté Auguste Herbin qui, à l'une de ses compositions les plus hermétiques avait donné le titre le plus concis qui soit: "Oui" (1951). Il lui avait suffi, en effet, de deux triangles et de quelques cercles d’une certaine façon orientés pour procurer, par une allure particulière dans le rythme, l’aisance consentante des lignes, l'ouverture ascendante du motif, une impression d’acquiescement: cas limite qui confirmerait, si besoin était, que la peinture, surtout abstraite, est un langage. lci, impasse du Moulin Vert, Eduardo Jonquières vous parle: vous parle le sien.

Michel CONIL LACOSTE - 1986
Ecrivain, journaliste et critique d'art
In Catalogue de l'Espace Latino-Américain - 1986

Texte de Gérard XURIGUERA

  La peinture construite, nous le savons, ignore le hasard et l'approximation, mais chaque écriture, nourrie du même héritage et du même absolu instaure son mode de formulation, accompagné des marques qui en donnent la tonalité propre.

  Pour certains, la dominante est linéaire, verticale ou horizontale, pour d'autres elle est plus résolument algébrique, triangulaire, isocèle ou carrée, pour d'autres encore, elle s'émaille de cercles ou de croix, verse dans un glissement dynamique, prône la couleur, s'accroche à son immobilisme, ou faute de projet, combine ces données.

  Chez Eduardo Jonquières, parallèlement à l'austère réflexion sous-jacente, c'est la couleur qui infléchit la subtilité scandée de la trame et commande sa mise en perspective discrètement compartimentée par un réseau de hachures tantôt légèrement déhanchées, tantôt symétriques. Barré de bandes chromatiques finement nuancées, levées en amont ou inclinées, l'espace s'anime sous l'action conjuguée d'un graphisme régulateur strictement émis, et des rayures colorées différenciées qui isolent des réserves monochromes, traversées de formes allongées rectangulaires, parfois tronquées, comme pour en souligner l'impertinence.

  Ces contrepoints eurythmiques, malgré leur inscription insolite, lancent un chant souple et secret. Secret, parce qu'au sein de ces plages apparemment ajustées avec la plus radicale simplicité, l'amalgame singulier des éléments constitutifs de la toile, nous ouvre une variété de directions où la logique implacable de l'alphabet géométrique vacille dans ses certitudes.

  Sans choir, cependant, dans le procédé du mouvement simulé, générateur de phénomènes optiques redevables au déplacement illusoire des gradations chromatiques, Jonquières ne traque pas la dérive progressive dans l'intensité du ton ou du demi-ton susceptibles d'altérer la vision, mais recherche avant tout la subtilité dans l'accord, travaillant la couleur de l'intérieur, dans sa substance même, afin d'atteindre la note la plus juste, la modulation la plus harmonieuse.

  Ainsi, cette partition dénuée d'aspérités, apparaît-elle au regardant sous son irrigation lumineuse sereinement dosée, empreinte de recueillement et de silence dans son dépouillement plénier, en adéquation avec la mesure spirituelle du peintre qui en a façonné l'émergence, "On n'écrit que soi-même", disait Jules Renard.

Gérard XURIGUERA - 1986
Critique d’art et écrivain français
In Catalogue de l'Espace Latino-Américain - 1986

Chronique du chapeau noir du 17 avril 2012

EDUARDO JONQUIÈRES, VERS L’ABSOLU

  Evoquer Eduardo Jonquières (1918-2000), c’est à nouveau se plonger dans ce creuset d’Amérique Latine puisque le peintre s’associe avec d’autres dans ce groupe «Arte Nuevo» historiquement connu. Là encore l’influence européenne, notamment du Bauhaus, a joué. Eduardo Jonquières le confirmait.

  Arrivé en France en 1959, il est bientôt reconnu comme un des jeunes maîtres de l’abstraction géométrique avec Jean Leppien ou Edgar Pillet. Cette vague américano-latine vérifia son influence en devenant partie prenante significative au sein du salon des Réalités Nouvelles. On peut remarquer combien les pratiques des peintres de cette époque et de ce lieu ont été à l’origine d’un Big Bang, les uns partant vers l’abstraction géométrique, les autres vers l’art cinétique.

  Les expositions de la galerie Denise René à Paris témoignèrent de cette double expansion, puisque Eduardo Jonquières a participé au groupe de cette galerie. Mais, comparé aux autres artistes, Jonquières occupera une position particulière, l’écriture, la poésie ayant pris une place de choix dans son œuvre. Cet art construit géométrique est certes une école de rigueur, de précision, d’ascétisme presque. Mais c’est également, me disait Eduardo Jonquières, une démarche spirituelle.

  « Le blanc valeur d’absolu, expliquait-il. Cet agglutinant blanc était à la fois champ de confrontation et créateur d’ambiguïté spatiale. »
  Cette recherche de l’absolu, valeur à la fois plastique et spirituelle, revient souvent chez les peintres de cette discipline. Je repense, notamment à Luc Peire qui soulignait fortement cette dimension dans sa peinture. Entre les artistes qui se sont dirigés vers un art cinétique davantage ludique et ceux de l’art construit dont la rigueur prend la forme d’une ligne de vie, deux conceptions de la vie se seraient elles affirmées à partir de ce même creuset sud américain ?

SOURCE : Chronique du chapeau noir : Libre comme l'art (17 avril 2012)

Malena BABINO - Catálogue SIVORI Julio 2012

Quiero que la maravilla de la primera vez sea siempre la recompensa de mi mirada. (1)

 La obra de Eduardo Jonquières moldea un pensamiento estético de intensa sutileza, tanto en el dominio de la expresión poética como en el campo del dibujo y Ia pintura. Por Io tanto, la iniciativa que asume el Museo Sívori es una oportunidad que permite reactualizar su aporte a la historia del arte argentino y poner en foco una obra que merece reinsertarse en nuestro medio.

 El conjunto de obras que ahora se exhibe, proveniente en su mayor número del Museo de Arte Contemporáneo Latinoamericano de La Plata, MACLA, permite mostrar un desarrollo donde, junto a la poesía, Jonquieres organiza un universo estético propio, inconfundible y de mutua reciprocidad. En esta linea de interrelación nos interesa exponer también testimonios de la amistad fecunda entre Eduardo Jonquières y Julio Cortázar como forma de visualizar al primero desde Ia perspectiva del segundo y posibilitar un encuadre de relaciones interdisciplinarias entre poesía y pintura.

 Bajo el prisma cortazariano sabemos Io importante que fue la poesía para Jonquières y el valor que Cortázar le asignaba como poeta del temor y del temblor (2) capaz, como él suponía, de llegar a un territorio de síntesis para arribar a la intuición del núcleo, del fuego central (3). El escritor está haciendo referencia a Pruebas al canto -poemario editado en 1955- un momento en el que el artista trabaja en obras casi abstractas que Io destacan ya como el gran colorista que se afirmará con el tiempo y que preludian la desnudez que poco a poco irá dominando su proceso creativo. Con el transcurso de los años, la pintura se hará cada vez más despojada en busca de un espacio de conjunción de formas y colores entendido por Cortázar como limpio recinto de la línea, cartografia de final de viaje (4).

 Con la publicación de La sombra, su primer poemario de 1941, Jonquières aportará a sus inicios como pintor una dimensión nueva de la expresión artística (5). A este volumen inicial le seguirán, hasta el año 1965 con la aparición de Zona Árida, seis poemarios que, junto a la pintura y al análisis teórico de Ia creación estética que realiza tras las huellas de Paul Valéry, Georges Gusdorf o Vicente Fatone, -autores a quienes lee con atención desde los años cuarenta-, lo orientan hacia la búsqueda de lo inefable. En este propósito, el fenómeno de la creación se le aparece tal como a Valéry, infinitamente misterioso e infinitamente deseable (6).

 La relación entre Cortázar y Jonquieres encuentra en el arte el espacio privilegiado para un intercambio cómplice de las incursiones museísticas del escritor. Seguramente Cortázar ya conocía las que Jonquières había realizado en su primer viaje a Europa, en 1939. Es así como se permite confesarle su admiración por las obras de Henry Moore y Ben Nicholson en la Tate Gallery, o el descubrimiento de la pintura cubista que el escritor había podido entrever en las páginas de los libros que Jonquieres le preveía en sus épocas de estudiantes en Buenos Aires. Es éste quien inicia a Cortázar en el dominio del arte moderno, dato revelador que no conviene pasar por alto en la lectura de su epistolario.

 Es a Jonquières también a quien, cuando Cortázar hace un balance de su vida, interroga: ¿ser capaz de mantener intacto el amor a Picasso y a la vez admitir el menudo horizonte de un Pacenza, es pérdida? (7). En esta admiración por el arte moderno subyace tanto el reconocimiento de la pintura argentina como la revelación de su recuerdo por las obras tempranas de Jonquières, cuyo testimonio elocuente encontramos en un autorretrato de 1939. Se trata de un óleo que integra esta muestra, en el que el pintor se representajunto a un paisaje despojado y de intensidad poética extrema donde bien puede verse un tributo al pintor de la Boca. Esas mismas cartas permiten aventurar de igual modo la hipótesis de que Cortázar sigue el curso del arte moderno tras la guía de Jonquières. De hecho, en 1955, cuando admira una exposición sobre cubismo en el Museo de Arte Moderno de París y le recuerda que fue él quien le develó en Buenos Aires ese movimiento en las páginas de una edición de Maurice Raynal, Io señala como su iniciador en el conocimiento del lenguaje pictórico.

 Eduardo Jonquières comenzó su actividad como pintor y dibujante en la década del ‘30 mientras, en forma paralela, incursionaba en Ia vía de la expresión poética. Su formación estuvo jaionada por los estudios realizados en la Escuela Normal del Profesorado “Mariano Acosta” al que le siguieron los años transcurridos en la Escuela Nacional de Bellas Artes y luego su radicación definitiva en París en 1959, donde tuvo oportunidad de mantener contacto permanente con artistas, críticos y escritores como Luis Seoane, Damián Bayón, Luis Tomasello, Saúl Yurkievich, Alicia Penalba, Roberto Aizemberg, Gregorio Vardánega, Marta Boto, Antonio Seguí y Carmelo Arden Quin, entre otros.

 Las pinturas y los dibujos de sus años iniciales ponen de relieve su interés por una figuración regulada por una concepción geométrica, cuyos aspectos formales y estructurales de paisajes y figuras son ya una preocupación recurrente. De igual modo, la voluntad de síntesis lineal y los estudios sobre el color irán conquistando cada vez mayor territorio para ocupar un lugar central en sus obras posteriores. Luego de las experiencias figurativas tempranas y sus primeras abstracciones que, si debemos determinar paternidades, reconoce en su genealogía la herencia cézanneana, los principios estéticos de la Bauhaus y la corriente de arte concreto argentino e internacional, Jonquieres inició en los años ‘50 un riguroso análisis de la no figuración. Continuó este camino hasta llegar a constituirse en un referente destacado de la pintura de hard edge, en cuya conquista, el reemplazo de la pintura al óleo por el acrilico le garantizó mayor perfección para Ia definición de los planos cromáticos.

 En 1987 declara con convicción teórica y claridad conceptual Io que parece ser la única obsesión en sus pinturas desde mediados de los ‘70: la conquista de un rigor formal absoluto obtenido mediante líneas precisas que definan campos de color nítidos (8). Sin embargo, y consciente de que esta postura podría sujetarlo a una matriz excesivamente racional, Jonquieres acentúa el valor del color como territorio de combinaciones infinitas donde las especulaciones se amplían hacia zonas de insospechados resultados, liberando así la potencialidad sugestiva del pigmento. Siempre en el dominio del color puro, sin modulaciones y, por consiguiente, sin sombreados, los azules, grises, rojos, violetas o verdes se combinan en variaciones infinitas organizados en estructuras rigurosas. Una vez dispuestos en Ia superficie de la tela, quedan activados por el estímulo perceptivo del ojo, estimulado por el magnetismo de quien pinta para llegar a la conquista de la esencia.

 Finalmente, en una comparación donde la palabra queda investida de un poder renovador, Cortázar, tan agradecido siempre por la recompensa de la mirada, metaforizó: tus cuadros son antes imanes que ventiladores. Esta imagen invita a pensar cuál es la impronta de la visualidad de Eduardo Jonquières en su concepción del arte. Y tal vez sea su capacidad de capturar al espectador en la omnipresencia neutra de la pintura, eliminando toda circunstancia exterior, a través de la sustancia misma e irrefutable de su propia naturaleza, desnuda, y por ello mismo, cautivante.

Malena Babino - Julio de 2012